Conférence de
Jean-Pierre BAIL
Café Le Basyl à Plouguerneau
11 décembre 2025
Une vingtaine de personnes ont assisté à la Conférence de Jean-Pierre Bail, professeur de médecine, intitulée « Où en est l’hôpital public ? se soigner dans nos communes. »
Jean-Pierre Bail a présenté un panorama de notre système de santé en pointant quatre défaillances
- Dans l’accès à un service d’urgences, 11 millions de citoyens sont à plus de 30 minutes d’un service d’urgences
- Dans l’accès à un médecin généraliste, 6 millions n’ont pas de médecin traitant – 87 % du territoire national est « un désert médical »
- Dans l’accès à un spécialiste, doublement du délai de rdv en 5 ans
- 151 zones en France sont déclarées « zone vulnérable », 2/3 des français déclarent avoir renoncé à au moins 1 acte de soins ces 5 dernières années.
Quel rôle des médecins dans ce constat
- Existence des dépassements d’honoraires : 56 % des spécialistes pratiquent ceux-ci, 10 % des généralistes
- Refus de régulation des lieux d’exercice. Alors que l’exercice médical est conventionné avec l’assurance maladie et que les revenus des médecins proviennent de l’argent public, ces dépassements et ce refus mettent à mal le serment d’Hippocrate.
Les facteurs à l’origine des défaillances sont multiples
- Évolution des modes et des lieux d’exercice. Centralisation autour des hôpitaux centraux au détriment des hôpitaux publics périphériques.
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- Création de l’ARS en 2007, les conseils d’administration disparaissent
- En 2016, création des Groupements Hospitaliers de Territoire
- En 2019, concept d’hôpitaux de proximités, centrés sur la médecine générale, la gériatrie et la réadaptation
- Dégradation des conditions de travail à l’hôpital public
• Grève des urgences en 2019
• Démission de 1200 médecins en janvier 2020 de leurs chefferies de service
• Après la crise du COVID, le Ségur de la santé a accordé une prime de 183 euros net mensuel, alors que les salaires des personnels infirmiers et aides-soignants se situaient à la 23ème place des 33 pays d’Europe
À nouveau plusieurs raisons à cette dégradation
- Perte de sens au travail, due au stress, aux tensions relationnelles, aux plannings intenables, aux ruptures de tâche, aux managements violents
- Arrêts maladie et démissions non pourvus : en 2023, 5 à 6 % de personnel infirmier et aides-soignants manquent
- Instauration de la tarification à l’activité (T2A) depuis 2008, en tant que mode de financement des hôpitaux et cliniques
- Le principe de la T2A repose sur un versement à posteriori par l’AM d’une prestation de soins pour une pathologie donnée, mesurée par des codages qui tiennent compte des maladies, des consultations, des actes et des durées de séjour.
- La T2A désavantage les hôpitaux par rapport aux cliniques ( tri des patients en fonction de leurs pathologies et des soins nécessaires). Elle dissuade les pratiques de traitements coûteux et elle incite à réaliser des actes inutiles et « rentables ». Elle incite à des séjours les plus brefs et favorise les fermetures « de lits » d’HC pour les remplacer par « des places » en hospitalisation partielles (HP) que ce soit à domicile (HAD) ou à la journée (Hospitalisations en ambulatoires).
- Numerus clausus et départ à la retraite de « Baby boomers » : marchandisation des soins, dans une logique d’insuffisance d’offre par rapport à la demande
- En parallèle, augmentation du reste à charge pour les patients avec :
- dépassements d’honoraires,
- forfaits pour les médicaments, les consultations, les séjours hospitaliers
- tarifs en perpétuel augmentation des assurances complémentaires
- Résultat : médecine discriminatoire à 2 vitesses
Dégradation de l’ensemble des services publics
Les remèdes envisageables dans l’immédiat :
- À l’échelon communal et intercommunal
Création de centres de santé publics, avec des professionnels salariés
- À l’échelon d’un territoire
- Refonte des groupements hospitaliers de territoire
- Suppression de l’activité libérale à l’hôpital public
- À l’échelon régional
- Suppression des concurrences entre les CHU
- Interroger et réformer la répartition des internats
